Proposition de définition de la perception de l’ennui dans le monde du travail

Dans la logique d’Aristote, le mot « définition » signifie une « formule qui exprime l’essentiel de l’essence d’un sujet » (Valois, 1994).

Mais avant d’aborder la proposition de définition de la perception de l’ennui au travail, examinons la définition du syndrome de l’épuisement professionnel classifié dans la CIM-11[1] (QD85 Burnout), qualifié ainsi : L’épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé comme résultant d’un stress professionnel chronique qui n’a pas été géré avec succès. Il se caractérise par trois dimensions : 1) des sentiments d’épuisement ou de fatigue ; 2) une distance mentale accrue par rapport à son travail, ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés à son travail ; et 3) un sentiment d’inefficacité et de manque d’accomplissement (Organisation Mondiale de la Santé, 2022).

Par ailleurs, d’autres chercheurs ont travaillé sur les phénomènes spécifiques au contexte professionnel, et qui ne s’appliquent pas pour décrire toutes manifestations dans d’autres domaines de la vie. S’agissant du burn-out, il serait caractérisé par des symptômes de : « trop et toujours plus » (Delaye & Boudrandi, 2010), le syndrome du bore-out par des symptômes de : Je m’ennuie à mourir… mais je ne l’ai pas choisi (Bourion & Trébucq, 2011) et le syndrome du brown-out par les symptômes de : je m’ennuie à mourir…et je l’ai (souvent) choisi (Lacan J. , 2015). 

Mon travail de recherche interroge sur l’existence possible d’un méta-système englobant les sous-systèmes (syndromes) cités ci-dessus, et quelles sont les influences que ces syndromes peuvent avoir entre eux ?

De surcroît, la définition du burn-out pas l’OMS inclut uniquement les aspects de réactions face à un stress mal géré. Elle ne parle à aucun moment de l’environnement, de la situation ou des relations qui induisent, de facto, le stress professionnel. C’est un peu, comme si l’Homme était fautif : il n’a pas su gérer son stress. Tant pis, il y en a d’autres qui supporteront mieux.

Sous l’angle de la systémique, on pourrait imaginer inclure d’autres facteurs, qui engloberaient ceux déjà identifiés, et l’interaction de ce nouvel ensemble créerait une forme de méta-système, ce dernier dépendant des interactions que les sous-systèmes ont entre eux. Ainsi, l’Homme ne serait plus la victime d’un système stressant, mais pourrait devenir un acteur conscient des formes de stress générées dans les entreprises et les organisations. 

Compte tenu de ce qui précède, et des différents éléments identifiés tout au long de cette recherche, voilà ma proposition de définition de la perception de l’ennui dans le monde des organisations : 

La perception de l’ennui au travail est une forme de syndrome résultant d’activités professionnelles réalisées dans un temps donné, qui 1) ne sont pas en lien avec les préférences de comportement d’une personne, qui n’ont pas de sens commun, qui sont répétitives ou monotones, qui nécessitent du contrôle, qui sont trop importante quantitativement et/ou 2) qui génèrent des situations dans lesquelles le travailleur : est sous ou sur-stimulé, ne reçoit pas assez de signes de reconnaissance, rencontre des problèmes relationnels avec sa hiérarchie ou ses collègues, 3) le tout dans un environnement physique ou psychique non adéquat à la réalisation desdites activités. 

Ainsi, et pour comprendre comment s’imbriqueraient de manière systémique les différents syndromes, et quelles associations constitueraient le meta-syndrome de la « perception de l’ennui au travail », et de ses maladies associées, voilà ci-dessous un tableau à lire et interpréter comme une proposition de lecture non exhaustive :

Symptômes

Syndromes

Meta – Syndrome

Maladies

Sentiment d’épuisement ou de fatigue dû à trop de travail

Burn-out

Perception de l’ennui au travail

Troubles psychiques

Sentiment d’inefficacité par manque de sens du travail imposé contractuellement

Bore-out

Dépression

Sentiment d’inefficacité par manque de sens du travail avec acceptation contractuelle

Brown-out

Réaction de stress aigüe

Etc…

Stress professionnel

Etc…

 

Cette proposition de définition indique que, pour éviter l’ennui et pour donner du sens au travail, il s’agirait pour le travailleur, d’associer « signification » et « perception », autrement dit ce qui reflète son expérience passée et son état émotionnel actuel, associé à son environnement de travail, au groupe auquel il appartient et à la perception qu’il en a. Pour Pratt et Ashforth (Pratt, Ashforth, Cameron, Dutton, & Quinn, 2003), le sens que donne un individu à son travail et à son milieu de travail est lié à sa propre identité, ce qui rejoint les mêmes théories de Brief et Nord (Brief & Nord, 1990).

[1] La classification internationale des maladies (CIM) fournit un langage commun qui permet aux professionnels de santé de partager des informations standardisées à travers le monde. La onzième révision contient environ 17 000 codes uniques, plus de 120 000 termes codifiables et est désormais entièrement numérique (OMS – Organisation Mondiale de la Santé, 2022)

Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.